Aujourd'hui, j'avais été chanceuse : c'était mon jour de repos au boulot, si bien que je ne travaillais pas ce soir et en plus, j'avais fini les cours plus tôt que prévu. Plutôt que de rester enfermée dans ma chambre à admirer le plafond, j'avais décidé d'aller faire un petit tour. Je n'avais pas encore trop eu le temps de visiter la ville. En effet, entre mon installation chez les Alpha qui – je devais l'avouer – ne faisaient pas mentir leur réputation, les allées et venues en culotte de ma colocataire accro au saucisson et beurre de cacahuète, les cours et le boulot... Je n'avais eu ni le temps de faire un petit tour de reconnaissance en ville, ni d'aller rendre visite à mon meilleur ami qui, je le savais, ne vivait pas bien loin de l'Université.

Ne possédant pas ma propre voiture – ce n'est pas un emploi de serveuse qui me permettrait d'en acheter une – je profitais du beau temps de cette fin d'automne pour marcher sur une bonne partie du chemin, et ainsi, visiter la ville tout en me rendant chez Nathan. Je ne l'avais pas prévenu, j'espérais seulement ne pas tomber au mauvais moment. J'avais du entrer son adresse dans mon téléphone portable afin que celui ci m'indique le chemin, ne connaissant nullement la ville j'aurais bien été fichue de me perdre. Une demi-heure et un détour plus tard, je me retrouvais au pied de l'immeuble ou vivait Nathan. Le moins qu'on puisse dire, c'est que sur ce point – comme sur bien d'autres en fait – nous étions très différents. Quartier chic, bel immeuble bien entretenu... Ce n'était pas moi qui pourrait vivre dans un endroit pareil mais dans l'ensemble, vivre dans la maison de la confrérie Alpha me convenait plutôt bien.

Rangeant mon téléphone portable dans mon sac, je pénétrais dans l'immeuble et montais à l’aide de l'ascenseur jusqu'à l'appartement de mon meilleur ami et, une fois devant la porte, toquait à la porte. Je ne l'avais pas vu depuis tellement longtemps mais en même temps, il était le seul à qui j'étais sure de pouvoir faire confiance. Il connaissait mes secrets les plus noirs et ne m'avait pourtant jamais rejetée. Il m'acceptait avec mon passé, mes blessures et mon caractère parfois assez spécial, et je faisais de même avec lui. C'était agréable de me dire que pour une fois depuis cette après midi qui avait tout fait basculer, j'aurais quelqu'un qui serait là pour moi coûte que coûte.

« Salut! » M'exclamai-je lorsque la porte s'ouvrit sur mon meilleur ami qui sembla enchanté de me voir. « Hey, quelle belle surprise, entre ! » S'exclama-t-il, s'écartant pour me laisser entrer. Je le fis sans me faire prier, souriant. « J’suis désolé, Danneel m’a demandé d’aller chercher Jamie, ça ne te dérange pas j’espère ! » Me demanda-t-il. Question bête, vraiment. « Bien sur que non ! Pourquoi ça me dérangerait ? » demandai-je à mon tour, arquant un sourcil interrogateur. J'étais parfaitement au courant de l'existence de son fils et des complications qu'il traversait en ce moment avec Danneel et puis je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer le petit Jamie car il faut dire que Chicago et Toronto ne sont pas vraiment ce qu'on pourrait qualifier de « la porte à côté ».

Les amis, c'est important. Si je n'avais pas eu le soutien de Nathan à un certain moment de ma vie, je n'imagine pas dans quel état je serais aujourd'hui. Malgré ses obligations personnelles, il avait même réussi à venir me rendre visite au moment de toute cette histoire de procès et ça m'avait vraiment fait chaud au cœur. J'avais des amis à Toronto certes, mais ça n'avais jamais été pareil. Peut être la distance facilitait-elle les choses dans des cas pareils. Vous n'avez pas à affronter les explications en tête à tête. Et contrairement à bon nombre de gens qui m'avaient tourné le dos au moment où j'aurais eu le plus besoin d'eux Nathan, lui, ne m'avait pas laissée tomber. A croire que le vieil adage qui dit que l'on reocnnait ses véritables amis quand on traverse des choses difficiles était bel et bien vrai. De tous mes soi-disant amis, rares étaient ceux qui ne m'avaient pas casée dans la zone folle tordue bonne à enfermer. Alors ça faisait du bien de savoir qu'il y avait quelqu'un qui ne m'avait jamais jugé. Quelqu'un qui n'avais jamais douté de ma parole et qui m'acceptait exactement comme j'étais ; avec mes défauts, mon passé...

Je faisais de même avec lui. Il avait mit une fille enceinte, et alors ? Ce sont des choses qui arrivent. Après tout de nos jours, il était bien rare de voir un garçon assumer ses conneries et rester auprès de la mère de l'enfant qui n'était pas arrivé là par hasard. Mon propre père n'avait pas eu ce cran, il avait laissé ma mère en plan et si il ne l'avait pas fait alors peut-être que ma vie ne serait pas devenu l'enfer qu'elle avait été durant toute mon adolescence. Alors oui, je savais très bien qu'en ce moment tout n'était pas rose entre Nate et sa petite amie Danneel, mais au moins il était toujours là pour son fils. Malgré les tensions, malgré les difficultés qu'avoir été père aussi jeune pouvait avoir amené dans sa vie, malgré les jugements de certaines personnes bien trop bornées pour comprendre...

« Ça fait vraiment plaisir de te revoir ! » Me dit Nate, me serrant dans ses bras. Il était bien l'un des rares de qui j'accepte ce genre de contact sans rechigner. L'une des seules personnes du sexe opposé qui ne m'inspirait aucune méfiance et j'étais vraiment heureuse de le retrouver. « A moi aussi, si tu savais. » Répondis-je, souriant d'une oreille à l'autre. « Lou, laisse-moi te présenter Jamie, mon fils ! » annonça-t-il ensuite tout en m'invitant à m'avancer dans son appartement. J'étais vraiment heureuse de pouvoir enfin rencontrer le petit Jamie. Je n'avais jamais eu cette chance encore et pourtant il avait vu le jour il y a quelques années déjà ! « Jamie, voici Lou-Ann, elle est très gentille ! » me présenta Nathan au petit garçon qui était occupé à jouer dans son coin. « Coucou petit bonhomme. » Fis-je avec un sourire au petit garçon. Il ressemblait beaucoup à son père mais, d'après les photos que j'avais vu de Danneel par l'intermédiaire de Nathan, il tenait également beaucoup de sa mère. Il était adorable, en tout cas.

« Il est trop mignon ! » Ajoutai-je, souriant à Nathan qui me répondit : « Un futur champion ! Tu veux boire quelque chose ? » Pour le côté champion, je ne pouvais qu'être d'accord. Avec un père aussi génial et surtout qui n'avait jamais exprimé une seule fois une once de regrets quant à la naissance de son fils – si ça avait été le cas, j'aurais sûrement été la première au courant – et avec une bouille pareille... J'étais certaine que tout le monde l'adorait et qu'avec un père comme Nathan, il aurait tout pour réussir, pour avoir une belle vie et pour être heureux. « J’peux te proposer de l’eau ou encore… de l’eau &… De l’eau ! » proposa Nathan, m’arrachant un éclat de rire. « Oh, tu as trop de choix, je sais pas si je vais réussir à me décider! » Plaisantai-je en riant. Je fis semblant de réfléchir un instant avant de d'ajouter « Je pense que je vais prendre de l'eau. », un sourire aux lèvres. Le suivant à la cuisine, je lui demandais ensuite « Alors, le retour à l'Université ? J'avais espéré t'y croiser, t'aurais pu m'empêcher de me perdre trois fois depuis mon arrivée mais je ne t'ai pas vu. » Racontai-je à mon meilleur ami. J'avais encore un peu de mal à me retrouver à Chapel Hill ce qui était compréhensible : j'avais beau être en deuxième année, j'étais une petite nouvelle alors je ne connaissais pas encore les lieux.

J'avais l'habitude de devoir me débrouiller par moi-même. Je l'avais longtemps fait après le décès de ma mère étant donné qu'il était hors de question que je compte sur mon beau père, j'avais du traverser toute cette histoire de meurtre avec le minimum syndical de soutien, j'avais du m'adapter à la vie à Chicago et à l'Université, et maintenant, je devais m'habituer à la vie ici, en Caroline du Nord, à Chapel Hill et chez les Alpha. Dans l'ensemble, si on oubliait le fait que j'avais une fâcheuse tendance à me perdre dans les couloirs de l'Université, j'estimais ne pas m'en sortir trop mal pour une petite nouvelle fraîchement arrivée et totalement perdue.

« Ouais je sais… J’espère que tu ne m’en veux pas trop mais ces temps je… Je me suis laissé un peu distraire… Excuse-moi… Mais entre les cours, Jamie… & Danneel… J’ai un peu fait des grosses conneries que j’essaie de rattraper enfin, tu me connais… » S'excusa Nathan. Je levais les yeux au ciel, buvant un peu de l'eau qu'il venait de me servir assise à la table de la cuisine. Comme si il avait besoin de s'excuser. « Eh, c'était pas un reproche Nathan, t'as pas à t'excuser, ne t'inquiètes pas ! Je sais bien que t'as tes propres problèmes à gérer. » Me hâtai-je de préciser. Ca m'aurait en effet fait plaisir de le croiser mais j'avais réussi à survivre sans trop de mal à mes premiers jours à Chapel Hill. J'étais de plus parfaitement conscience de ce qu'il avait lui-même à gérer dans sa vie personnelle : ses cours, Jamie, son job, ses disputes avec Danneel... Alors je n'allais certainement pas lui reprocher d'avoir vaqué à ses propres occupations pendant que j'apprenais à me dépatouiller à Chapel Hill avec ma folle furieuse de colocataire. Machinalement, je suivis le regard de Nathan qui s'était posé sur son petit garçon, occupé à ses Lego sur la table du salon avant de reporter mon attention sur Nathan.

« Dorénavant je vais être plus présent pour toi, pour t’adapter à la ville. Tu verras, une fois qu’on la connaît elle est bien ! Tu t’es trouvé un logement ? Raconte-moi ou tu en es aussi loin ?  » Me demanda-t-il. Trouver un logement n'avait pas été très compliqué. En intégrant une sororité, j'avais une chambre pour moi là-bas. J'avais également réussi à trouver un travail très rapidement ce qui était un bon point surtout que les petits boulots étaient souvent tr-s prisés des étudiants. J'étais encore un peu désorientée mais « J'ai réussi à me débrouiller. J'ai trouvé un job au hard-rock café, j'ai ma chambre chez les Alpha avec une colocataire un peu fofolle mais super gentille... Je suis encore un peu paumée dans l’Université, c'est grand, mais je m'en sors pas trop mal pour une petite nouvelle. » Expliquai-je à Nathan avec un sourire.

Avoir dégoté un toit, un job, et appris dans les grandes lignes à me repérer dans la ville et l'Université – même si c'était encore un peu hasardeux, étant donné que j'avais réussi à me perdre le matin même – c'était déjà pas mal non ? Surtout sans l'aide de Nathan, qui connaissait bien mieux les lieux que moi. Je devais le reconnaître j'étais pour une fois assez fière de moi et ça, ça relevait peut être de l'exploit ! Apprendre que j'avais intégré les Alpha sembla néanmoins surprendre Nathan, qui lâcha un « Chez les Alphas ?! Eh ben ! » . En même temps il est vrai ces derniers mois, je n'avais pas été des plus fêtarde. J'avais d'autres choses en tête, bien plus importantes, qui m'avaient bien trop préoccupée pour que j'ai le cœur à la fête. Mais avant toute cette histoire de procès, les samedis soirs où je restait bien sage enfermée dans ma chambre avaient été rare... Voire même inexistants. J'étais au contraire du genre à sortir un maximum et faire la fête car tous les moyens étaient bons pour fuir la maison et mon beau-père. Et il était temps que je retrouve un peu de joie de vivre. L'ambiance fêtarde qui régnait régulièrement chez les Alpha, chez qui l'action ne manquait jamais, devrait y contribuer. « Eh oui, tu as devant toi une de leurs nouvelles membres! » Plaisantai-je avec un sourire.

Avec tout ce qui m'était arrivé ces derniers mois, il était temps que je reprenne ma vie en main et surtout, que je commence enfin à en profiter, comme n'importe qui d'autre. J'avais traversé des choses que peu de filles de mon âge pouvaient affirmé avoir traversé mais il était temps que je laisse tout cela derrière moi. Ce serait un travail de longue haleine, difficile mais après tout, j'avais vécu pire. Je m'en sortirai, comme toujours. Et puis je n'étais pas seule, c'était le principal.

« &… Niveau ton beau-père, procès & tout le reste comment ça se passe ? » me demanda ensuite Nathan. Aussitôt, mon sourire s'efface. Il avait beau m'accepter avec mon passé pour le moins compliqué et tout ce que ça incluait, cela ne voulait pas dire que j'étais à l'aise avec tout ça. « Je suis quitte avec tout ça. Enfin, façon de parler... je dois toujours voir un psy régulièrement. Au cas ou je serais une folle furieuse et que je déciderais d'aller tuer quelqu'un sur un coup de tête. J'ai pas été condamnée, mais ils continuent à me traiter comme si j'étais une folle furieuse » Expliquai-je, haussant légèrement les épaules, le regard rivé sur mon verre d'eau, posé face à moi. J'avais beau n'éprouver aucun réel remord en pensant à la mort de mon beau-père – à son meurtre, de mes mains – je n'en étais pas non plus fière. J'avais voulu que tout cet enfer s'arrête et avait pris des mesures plus que drastiques, j'avais craqué et bien que je ne pleure pas sa mort un seul instant, cela n'enlevait ni les souvenirs, ni le fait que j'avais tué un homme et que plus rien ne serait pareil pour moi après ça.

Je n'avais pas eu la vie très simple ces dernières années. Je savais bien que je n'étais pas la seule et cela faisait aussi partie des raisons pour lesquelles je n'aimais pas trop parler de tout ce que j'avais du traverser. Je ne voulais pas plus de la pitié des gens que je ne voulais de leur regardes dégoûtes. Alors le meilleur moyen d'éviter tout ça, c'était de faire en sorte que jamais personne n'apprenne rien de mon passé pour le moins troublé. Nathan c'était différent, il m'avait aidée à traverser tout cela, mais je comprenais parfaitement que pour certains, cela pouvait être une source de malaise. Ma décision de changer officiellement d'identité n'était donc pas anodine et temps que Nathan serait le seul à Raleigh-Durham à savoir qu'en réalité, j'étais Cassidy Smith et non Lou-Ann Swenson, je pourrais continuer ma vie à peu près tranquillement. Je n'oublierai rien, loin de là, mais il n'y aurait personne pour me le rappeler constamment.

« Je t’admire beaucoup & tu sais ce que je pense des autorités que te traitent de folle furieuse… L’important c’est que tu sois libres & plus ou moins en paix avec toi même ! » me dit mon meilleur ami en me serrant contre lui et me gratifier d'un baiser sur la joue, ce qui m'arracha un petit rire. M'admirer ? Qu'y avait-il à admirer dans mon parcours pour le moins sinueux ? Pas grand chose selon moi. Je n'avais rien accompli dans ma vie, si ce n'est tué un homme. J'étais simplement une grosse paumée, tentant tant bien que mal de vivre sa vie maintenant qu'elle ne ressemblait plus à un véritable cauchemar. Quant à être en paix avec moi-même... Je n'aurais pas dis ça comme ça. « En paix avec moi-même, c'est un bien grand mot. » Fis-je remarquer, sans cependant m'étaler davantage sur le sujet, regardant Nathan prendre le petit Jamie sur ses genoux. Le petit garçon faisait d'ailleurs son timide et si je voulais demander à Nathan ce qu'il en était entre lui et Danneel, je préférais attendre que Jamie ne soit pas dans le coin. Il devait déjà être assez perturbé par la situation, inutile d'en rajouter en le forçant à écouter une conversation qu'il n'avait pas besoin d'entendre. « Alors, pas trop de mal à gérer entre le boulot, les cours, et le petit monstre? » demandai-je. Changer de sujet et oublier un peu mes propres problèmes, voilà ce que je devais faire.